Un souffle de vent soulève la longue chevelure d'argent de la prêtresse, dévoilant un regard triste mais implacable. Elle prend la parole de la voix rauque et sourde de ceux qui parlent peu:
« C'est dans un camp de prisonniers de guerre que j'ai vu le jour. Mes parents furent faits prisonniers lors d'un raid surprise mené par la Horde, et traités comme des esclaves, ultime humiliation.C'est donc esclave que je suis née, et mes parents ne purent, comme à mes semblables, apposer la marque distinctive qui embellit traditionnellement notre visage... Mais ils me donnèrent un noble nom de l'ancienne langue des Eldar: Airëtari, la Reine Sacrée.
Mère qui me portait lors de sa capture, ne supporta pas la captivité et elle donna la sienne pour ma vie.
Chaleur, poussière, travaux pénibles et humiliations furent le lait amer qui arrosèrent ma tendre enfance, amertume adoucie par l'amour sans mesure que me portait mon Père. Il me racontait les légendes de notre vieux peuple pour que j'oublie le cauchemar du quotidien. J'espère que ses histoires adoucissaient aussi, dans la lueur mourante des feux ennemis, son calvaire...
Un soir le camp fut attaqué par les forces de l'Alliance: des humains s'étaient introduits sur les terres ennemies et entreprenaient de délivrer les captifs! Trop jeune, je ne comprenais pas tout, mais le tumulte fut immense. Père me cacha avant de mettre ses dernière forces dans la bataille, afin de prêter main forte à nos sauveteur. Il invoqua Elune, notre déesse, encore et encore pour apporter son aide, mais présuma de ses forces et je le vis tomber au combat, alors pourtant que la victoire semblait certaine!
Je dus crier mon désespoir, car une dame humaine vint me tirer de ma cachette. J'étais terrifiée, car elle était accompagnée d'une étrange créature bleue dont émanait une puissance que même dans mon ignorance je pouvais sentir.
Mais la dame avait un regard très doux, et elle me hissa avec mille précautions sur son cheval de feu... Elle m'emporta avec elle, au galop de cette étrange monture, en sureté dans une profonde forêt où elle et ses amis avaient monté leur campement.
Je n'oublierai jamais ce qui se passa alors, ni l'immense compassion qui passa dans ses immenses yeux mauves quand elle me déposa auprès du feu de camp. Elle et ses compagnons palabrèrent longtemps, et je devinais sans peine que c'était à mon sujet: fallait-il m'abandonner ici (les mots d' « oreilles de troll » me parvinrent et me blessèrent), m'emmener avec eux ou me trouver une famille parmi ceux de mon peuple? Le ton monta puis finit par s'apaiser, enfin la belle dame vint à moi:
«Petite fille des Elfes, me dit-elle d'une voix où perçait l'habitude du commandement, je ne peux te garder avec moi, malgré l'envie que j'ai de te protéger. Je n'appartiens pas à ton peuple, et tu souffrirais de ta différence, comme j'ai eu à souffrir de la mienne, parmi les miens. Aussi je vais t'emmener au temple de Darnassus où les prêtresses prendront soin de toi. Mais n'oublie pas le nom de Valefore, car moi, je garderai toujours un oeil bienveillant sur toi. »
C'est ainsi que je fus élevée à Darnassus, dans la dévotion de la Grande Mère Elune, la plus jeune novice du temple. Lorsque je fus en âge de le faire, je commençai ma formation de prêtresse, puisque je n'avais jamais rien connu d'autre.
Régulièrement je reçois des cadeaux de Dame Valefore que pourtant je n'ai jamais revue. Un jour, je ferai le grand voyage vers Azeroth pour la rencontrer et la remercier.
En attendant, vous, frères et Soeurs de Silverfang, vous m'avez accueillie avec bonté et bienveillance, et dès maintenant mes forces et ma foi sont à votre service.
Si vous voulez bien pardonner à l'avance le désir de vengeance qui m'anime et déshonore ma condition, mais comment survivre sans lui? Il me donne parfois la force qui me manque.... »
Airëtari se tait alors et s'incline, la main sur le coeur.